La Guinée veut devenir le chef de file en matière de climat

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Sunrise on Mount Nimba. Sunrise on Mount Nimba.

Le soleil vient juste de se lever sur le village de Bari Khouré, dont le nom signifie "la rivière aux esprits" en langue Soussou. Pourtant Alpha Suma se plaint déjà, comme à l'accoutumée, de la chaleur excessive qui accable la localité, située au pied des plateaux, au cœur de la magnifique réserve naturelle de Kounounkan.

« Je possède une plantation d'orangers. Auparavant, mes oranges restaient sur les arbres jusqu'au mois de mai. À présent, la plupart des fruits jaunissent et tombent à un stade prématuré, » explique l'agriculteur.

Bari Khouré est un village agricole du sud de la Guinée, qui produit de nombreuses cultures : riz, manioc, maïs, ainsi qu'une grande variété de légumes. Les terres arables sont rares dans la région, alors les agriculteurs défrichent des parcelles de la réserve naturelle pour faire pousser les récoltes indispensables à la région et au pays.

En plus de la pression humaine, qui menace les forêts, le changement climatique s'est installé. Au village, tout le monde fait le même constat : « Même lorsque nous essayons de reboiser, de nombreux arbres ne survivent pas car le climat a changé et les saisons ne sont plus les mêmes depuis quelques années, » rappelle Ishmael, un voisin d'Alpha. « C'est le serpent qui se mord la queue : plus on est amené à avancer dans la forêt, plus la forêt rapetisse, et avec le recul de la forêt, l'humidité aussi diminue. »

Lors de la COP 15 sur la biodiversité, en 2022, le gouvernement de Guinée s'est engagé à protéger son capital naturel en préservant près de 30 % de ses ressources naturelles d'ici 2030.  Par cet engagement, la Guinée reconnaissait le rôle vital des écosystèmes dans la préservation des moyens de subsistance et l'accès à l'eau à travers l'Afrique de l'Ouest, dont certains des principaux fleuves trouvent leur source en Guinée. Ces efforts sont appuyés par le projet de gestion des ressources naturelles, minières et de l'environnement, financé par la Banque mondiale.

Ce projet aide l'Office guinéen des parcs nationaux et réserves de faune (OGPNRF) à développer un réseau de zones protégées pour préserver le capital naturel du pays. Ses activités contribueront à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en améliorant la résilience des écosystèmes et des zones en aval, et elles fourniront également des emplois verts aux communautés locales.

Le lieutenant Tounkara, chargé de la coordination du projet sur le terrain, s'appuie sur ses "troupes" au niveau local pour défendre l'écosystème : une armée d'éleveurs, d'agriculteurs et de chasseurs, qui ont tous constaté la rapide dégradation de leur environnement en seulement quelques dizaines d'années. Ensemble, ils ont décidé d'unir leurs forces pour aider à préserver les ressources. 

Régulièrement, les membres de la communauté, toutes générations confondues, se rassemblent sur la place du village pour partager les défis auxquels ils sont confrontés avec les gardes forestiers et les conservateurs. « En créant des zones protégées, il ne s'agit pas de chasser des populations ou de leur imposer des contraintes, mais de préserver et renforcer leurs moyens de subsistance, » explique le lieutenant Tounkara. « La protection des zones forestières contribuera à la stabilité climatique pour les récoltes et créera des opportunités économiques grâce aux produits issus de la forêt, notamment les plantes médicinales traditionnelles et des aliments naturels essentiels comme les champignons, les noix, les feuilles et les baies. »

Avec un revenu moyen par foyer dépassant à peine 1 000 dollars par an (en 2021), la Guinée fait partie des pays les moins avancés (PMA), mais le potentiel de développement dans les secteurs des pêcheries, de la foresterie et de l'exploitation minière est élevé. Tout en mettant le pays sur la voie de la croissance et de la prospérité économique, le gouvernement déploie d'importants efforts pour faire de la Guinée un chef de file ouest-africain en matière de climat et de biodiversité.  D'ambitieuses politiques et réformes ont ainsi été adoptées pour aider à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre et promouvoir des mesures de développement résilientes au changement climatique. 

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Consultations auprès des villageois sur la réserve de Kounounkan.
Consultations auprès des villageois sur la réserve de Kounounkan. Crédit : Xavier Bourgois, Banque mondiale

En juillet 2021, en préparation de la COP 27, la Guinée a revu sa Contribution déterminée au niveau national (CDN), se fixant des cibles d'atténuation ambitieuses : une baisse de ses émissions prévues pour 2030 de 9,7 % sans appui extérieur, et de 17 % en les incluant.  

Le Groupe de la Banque mondiale œuvre aux côtés du gouvernement pour établir des cibles claires, transparentes, atteignables et mesurables. Les engagement pris incluent notamment : la fourniture de 80 % du marché intérieur de l'électricité par des sources renouvelables ; le gel du taux de déforestation et la protection des zones naturelles ; l'efficacité énergétique des carburants de transport ; zéro émission nette dans l'agriculture d'ici 2050, et dans le secteur minier d'ici 2040. Pour respecter ses engagements dans les délais impartis, un soutien international sera nécessaire. 

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Site minier dans la zone de Kounounkan.
Site minier dans la zone de Kounounkan. Crédit : Xavier Bourgois, Banque mondiale

Les secteurs minier et agricole sont essentiels pour l'économie guinéenne. Son capital naturel l'est également. Pour garantir le succès et la reddition de comptes, le bureau du Premier ministre assure la coordination entre les agences gouvernementales, en concertation avec les différentes parties prenantes, notamment le secteur privé, la société civile, les groupes environnementaux et la communauté scientifique.


Auteurs

Idriss Deffry

Environmental specialist, World Bank

Ellysar Baroudy

Lead Carbon Finance Specialist, World Bank

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